Aux amours kleptomanes
Qui partent sans ne rien laisser.
Parfois j'éprouve la même sensation qu'une tasse de thé dans laquelle vient d'être versé un peu de lait. Du moins je me dis qu'une tasse de thé pourrait ressentir ça. Le filet de lait coule droit vers le fond de la tasse avant de remonter doucement sous forme de petits nuages blancs. Le thé reste du thé, mais c'est un peu autre chose aussi, de meilleur je crois. Si quelqu'un me le demandait, c'est comme ça que je définirais l'attendrissement.
" Même quand l'omission, l'indirection, l'adresse pronominale rendent impossible cette translation : qu'un lecteur soit devant la page, devant la voix du poème comme au moment de sa naissance
Ou de sa réception : lecteur lecteur ou lecteur auteur
Ce poème t'est adressé et ne rencontrera rien "
Jacques Roubaud Quelque chose noir
L'homme est la somme de ses propres malheurs et de ses expériences climatiques. En ce moment : le fait de manger à l'intérieur de vous-même l'espace aussi, l'espace et le temps confondus.
Ce sont les gens pressés sous la pluie qui me ressemblent aujourd'hui, pour ne rien laisser s'altérer après moi, par ta faute.
Je ne sais pas rester en survol des choses.
"L'écart majeur entre pensée et poésie est peut-être que la poésie existe déjà alors que la pensée ne pense pas encore."
La molle dispersion de soi dans les quatre cents coups de la vie.
"Ce n'est pas simple de rester hissé sur la vague du courage quand on suit du regard quelque oiseau volant au déclin du jour."
Cette nuit j'ai fermé les yeux vers 1h23 et les ai rouverts brusquement à 2h38, paniquée et persuadée qu'il était déjà 8h et que ma maison était en feu. Sauf que la maison qui brûlait n'était pas celle dans laquelle je m'étais endormie. Mon rêve commence comme la réalité a fini au moment où je me suis endormie. J'étais en train d'échanger des messages avec un garçon séparé de moi par une mer sans vagues, allongée sur le côté et flirtant avec la somnolence, m'endormant légèrement entre chaque échange, me trompant un peu de touches. Je me souviens avoir pensé à le brancher car la batterie était faible, puis un dernier appel de ma conscience me l'a fait éteindre avant la dernière réponse car j'étais trop fatiguée pour l'attendre. J'ai aussitôt senti des ondes électriques émaner de ce boîtier noir enfoui sous mon oreiller, et, mon cerveau les ayant interprétées comme un symptôme de ma paranoïa envers les ondes de mon téléphone, j'ai repoussé celui-ci sous le haut de mon oreiller. J'ai alors vu des grésillements, de la même teinte bleue que celle du gaz enflammé, qui partaient de mon téléphone et enrobaient tout mon lit, passaient au dessus de moi et vrombissaient dans l'air. Dans mon rêve à ce moment là je m'endors, avant de sentir une étrange chaleur venant du sol et des murs, une chaleur sourde et oppressante traversée de plusieurs traits lumineux. Je me suis dit que c'était de l'électricité et j'ai voulu me lever, mais, comme souvent dans les rêves que je fais, je ne pouvais plus faire un seul mouvement. Cette immobilité a ensuite été compensée par une vue aérienne et globale de la situation. J'étais dans mon ancienne maison, celle avec les deux étages en bois, dans mon ancienne chambre sous les combles, au second, avec de la moquette bleue sur les murs et une moquette sur le sol, bleue elle aussi, avec toujours de petits morceaux de pâte à modeler coincés dedans. Sauf qu'ici ma chambre était attenante à celle de mes parents, ce qui n'était pas le cas dans la réalité. J'ai compris que le feu était en train de se propager et qu'il y avait des gens derrière le mur que je ne pouvais pas prévenir, qui allaient brûler à cause de moi et de mon téléphone. Il y a maintenant un trou noir sur l'oreiller à côté de moi d'où partent des nerfs de chaleur bleue. Je me trouve dans l'autre pièce et je contemple les ondes bleues sur les murs, un peu comme ce que la lumière provoque quand elle se reflète sur de l'eau, sauf que ces fils de lumière là ne sont pas paisiblement posés sur la tapisserie mais ont l'air en colère, en agitation permanente, contrairement à moi qui ne peut pas bouger. Je me vois descendre l'escalier jusqu'au salon qui était parfaitement celui de quand j'habitais là, avec le vieux canapé et les deux fauteuils marrons. Je cherche un autre téléphone pour appeler au secours, et dans celui que je trouve je ne parviens pas à parler. J'entends mon interlocuteur dire qu'il va raccrocher et je parviens enfin à donner l'adresse et à leur dire de se dépêcher. Je sais que c'est déjà trop tard car je peux maintenant bouger librement et je me souviens de la porte fermée de la pièce attenante à ma chambre, là où se trouvent des gens auxquels je tiens. Je ne sais pas exactement qui est derrière, et comme j'ai peur de le découvrir je vais dans la salle de bain et j'essaye de combattre le feu, ce feu que je ne vois jamais vraiment mais qui est dans les murs, les plafonds et le sol de la maison, dans chaque marche de l'escalier, ce feu que je combats avec un flexible de douche gris et beaucoup trop court qui ne s'était pas matérialisé dans mon esprit depuis au moins dix ans.
C'est à ce moment là que j'entends un bruit dans le couloir et que, pour la première fois de ma vie, je me réveille sans savoir où je suis.
Et si tu es triste
je te raconterai
des histoires des citrons verts
et de paysages maritimes.